Coronavirus : les tenants de la collapsologie au Pays basque espèrent un électrochoc des consciences
L’ Association des kolapsonautes du Pays basque et du sud des Landes anticipent l’effondrement de nos modes de vie. L’épidémie actuelle conforte leur discours
Régis Dacharry voit « des regards qui changent », ces jours-ci. Depuis un an, avec l’association de Kolapsonautes du Pays basque et du sud des Landes, il sensibilise sur la question de « l’effondrement ». Le mouvement de la collapsologie a émergé en 2015, devant le réchauffement climatique, l’extinction de la biodiversité, la fragilité des systèmes économiques, la finitude des ressources naturelles.
« Il faut avoir conscience que nos modes de vie vont changer et s’y préparer. »
Les Kolapsonautes lisent la crise Coronavirus comme une validation de leurs réflexions et préparatifs.
« La collapsologie recouvre toute une production culturelle, livresque, cinématographique. Il y a des séries qui ont pris la pandémie pour hypothèse. » Elles sortent ces jours-ci du rayon science-fiction pour jeter dans ceux des grandes surfaces des milliers de personnes inquiètes du confinement. « Ce qui se passe est dans la lignée de ce qu’on avait pensé et que l’on projette comme probable. »
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« L’électochoc » du covid-19
Mais Régis Dacharry n’imaginait pas le caractère massif du bouleversement à l’œuvre. « La collapsologie envisage l’effondrement comme une succession de délitements. Même si notre groupe tente d’anticiper les choses, nous ne sommes pas prêts. Nous venons de monter un programme de formation pour 2020 et 2021. »
Les tenants de la collapsologie ne sont pas des prophètes de l’apocalypse. Régis Dacharry et les membres de son petit groupe espèrent « un retour à la normale » et une expérience « électrochoc » du covid-19.
« Ce qui se passe peut, au final, avoir les vertus d’une prise de conscience. Amener de plus en plus de gens à réaliser les bouleversements qui se profilent. Et surtout, faire que de plus en plus de monde se mette en action. »
« Si tout le monde stockait sur la durée… »
L’association qu’il préside insiste notamment sur l’importance de la « souveraineté alimentaire ». Ce n’est pas qu’une considération individuelle. C’est aussi politique. « Nous avons récemment reçu Stéphane Linou. C’est un ancien conseiller général de l’Aude qui pousse, avec d’autres, pour que la souveraineté alimentaire intègre le champ de la sécurité nationale. » Partant du principe qu’une pénurie amènerait troubles et désordres.
« On voit des rayons vides en ce moment. On n’a pas l’habitude de ça. Ça doit nous interroger. »
Les kolapsonautes n’ont pas nourri les files d’attente. « On vient de faire un cycle de formation sur les stocks alimentaires. » Quels produits, pour quels équilibres nutritionnels. Pas de bras tendus tous azimuts vers les étals. Il s’agit de rationaliser pour durer. « On s’interroge même sur la dépense énergétique utile à cuisiner tels ou tels aliments. » Dans l’idée de constituer une autonomie de dix jours, deux semaines, un mois. Mais par touches, progressivement. L’inverse des ruées en cours. « Si tout le monde stockait sur la durée… »
Un sujet des municipales?
Au-delà de la responsabilité de chacun, Régis Dacharry estime que les élus devraient empoigner le problème de l’autonomie nourricière. « Je parle des élus locaux, car la collapsologie anticipe un délitement des structures étatiques. » Les kolapsonautes proposent des conférences et entendent sensibiliser les maires et leurs équipes. Mais tout ça n’est pas très vendeur devant l’électeur. »
Peut-être l’urgence du covid-19 et ses futurs enseignements vont-ils placer plus fortement la souveraineté alimentaire dans le débat public. « Il y a un enjeu très intéressant avec le report du second tour des municipales. Ces thématiques vont peut-être devenir audibles par la population. Les gens seront marqués psychologiquement. Ce qui se passe va rester dans nos mémoires. Peut-être que naîtra une pression populaire auprès des élus sur ces sujets. » Le Bayonnais imagine des candidats qui étofferaient leurs programmes de nouveaux paragraphes.
« Anticiper pour ne pas subir »
La collapsologie pense inéluctable l’effondrement. « Si l’on admet que nos modes de vie vont changer, plus tôt on les fera évoluer nous-mêmes, mieux on les vivra. Anticiper pour ne pas subir. » Ce pourrait être la devise de ce courant. Selon le kolapsonaute, le gouvernement français ne peut pas s’en prévaloir. « On n’aurait sans doute pas pu éviter le coronavirus. Mais peut-être se préparer mieux à cette crise, pour l’amortir. »
Et de pointer la communication « erratique » au sommet de l’État. Ses « messages contradictoires », à mi-chemin entre confinement et tenue du premier tour des élections. L’ensemble attesterait d’une prise de conscience à retardement. A priori bien réelle désormais.